L’École d’Athènes est une fresque de Raphaël, située dans la Stanza della Segnatura (Chambre de la Signature) des appartements papaux au Vatican.
L’École d’Athènes a été réalisée durant la Renaissance, entre 1508 et 1512. Il s’agit d’une commande du Pape Jules II.
Le pape Jules II ne souhaitait pas occuper les appartements de son prédécesseur Alexandre VI, membre de la famille Borgia, avec lesquels il ne voulait pas être associé. La papauté précédente était entachée de corruption et de scandales. Ainsi, il décide d’aménager dans les chambres situées au deuxième étage de l’aile nord du Palais apostolique. Il choisit Raphaël pour décorer ses chambres de fresques. Il utilisera l’art comme un outil de propagande pour réaffirmer la dignité et la puissance morale de la papauté.
L’École d’Athènes est un des chef-d’œuvres incontournables de l’histoire, et certainement le plus célèbre de Raphaël.
Sommaire :
L’École d’Athènes : le contexte.
Nous sommes en 1508. Nous nous trouvons donc au début du XVIe siècle, à l’apogée de la Renaissance. En même temps, juste à côté de Raphaël, Michel-Ange est en train de peindre le plafond de la Chapelle Sixtine.
Raphaël, âgé de 25 ans, vient d’arriver à Rome. Il va vivre les années les plus florissantes de sa carrière.
Cette période se distingue par un regain d’intérêt pour les textes de l’Antiquité. Cette période captivait particulièrement les artistes et les intellectuels de la Renaissance.
L’École d’Athènes est précisément un hommage à cette époque.
L’École d’Athènes : Le lieu.
La pièce dans laquelle se trouve l’École d’Athènes s’appelle la Chambre de la Signature.
Elle porte ce nom parce qu’elle sera plus tard le lieu où les documents importants seront signés au Vatican.
Cependant, à l’origine, lorsque le pape (Jules II) fait appel à Raphaël, son projet est de faire de cette pièce une bibliothèque.
La pièce abrite non pas une, mais quatre fresques. Chacune illustre une discipline : la philosophie, le droit, la poésie, et, naturellement (après tout, nous sommes au Vatican), la théologie.
Il faut imaginer des livres correspondant aux différentes disciplines disposés juste en dessous de chaque fresque
Au plafond, quatre allégories reprennent ces mêmes thèmes, où l’on y perçoit clairement l’influence de Michel-Ange sur l’œuvre de Raphaël.
L’agencement de la salle était conçu pour offrir une expérience immersive, unique pour l’époque.
Imaginez un cardinal ou un prince visitant cette bibliothèque, ouvrant un livre et s’asseyant pour lire. Autour de lui, les fresques transforment l’espace en un dialogue avec Homère, Platon, Aristote — comme une forme de réalité virtuelle avant l’heure, où chaque peinture est une porte ouverte sur un univers différent.
L’École d’Athènes : La composition.
Raphaël, c’est l’enfant prodige de la Renaissance. C’est non seulement un artiste complet, mais il aussi piqué le meilleur des artistes qu’il a rencontrés.
Prenons l’exemple de La Cène de Léonard de Vinci pour illustrer à la fois cette influence et étudier la composition du tableau.
Les figures y sont disposées en deux groupes distincts autour d’un noyau central, une mise en scène typique de Léonard de Vinci.
Si vous considérez le tableau dans son intégralité, vous remarquerez qu’il s’en est aussi inspiré pour l’architecture : une architecture symétrique, qui englobe le tout et cadre le regard vers notre sujet principal.
Cette manière de composer, il la doit à Léonard de Vinci. Et non seulement il a emprunté cette technique, mais il l’a également sublimée.
Bref, on est donc au tout début du XVIe siècle et à l’apogée de la Renaissance. On est au Vatican. Raphaël se trouve dans les appartements du Pape. Et à travers l’École d’Athènes, il va peindre un hommage, un hommage à l’antiquité, un hommage à cette civilisation greco-romaine qui les a tous inspirés. Et cet hommage c’est l’École d’Athènes.
L’École d’Athènes : Les personnages.
Ci-dessous, une analyse des différents personnages et comment les reconnaitre. C’est une analyse exhaustive. Elle couvre néanmoins les principaux acteurs, selon moi. À noter : certains personnages ont les traits de contemporains de Raphaël. J’en parle dans la section suivante.
Platon et Aristote
Les deux figures centrales de L’École d’Athènes sont Platon à gauche, tenant Le Timée, et Aristote à droite, avec L’Éthique à Nicomaque.
Ce sont les seuls personnages que nous identifions avec certitude. On les reconnait grâce à leurs ouvrages, mais aussi par leur gestuelle :
- Platon pointe le ciel, illustrant sa théorie des formes idéales et immuables qui existent au-delà du monde physique.
- Aristote, en contraste, étend sa main vers le sol, symbolisant son intérêt pour la réalité concrète et palpable, les phénomènes naturels.
Les couleurs utilisées renforcent cette opposition :
- Le violet et le rouge de la robe de Platon évoquent l’éther et le feu, éléments légers et ascendants.
- Le bleu et le marron d’Aristote rappellent l’eau et la terre, bien ancrées dans le sol.
Autour de ces figures centrales, d’autres philosophes discutent ou méditent, chacun absorbé par ses réflexions.
Socrate et Alexandre
À gauche, en train de débattre, on a ce qui est probablement Socrate avec Alexandre le grand. Le premier était le le maître de Platon et comme un symbole le second était l’élève d’Aristote. Symbole de deux générations qui se côtoient, qui se rencontrent, qui s’acceptent et évoluent ensemble.
Pythagore et Euclide
En dessous, on a ce qui pourrait être Pythagore. On le reconnaît par son intérêt pour le diagramme, probablement lié à sa théorie musicale basée sur des proportions mathématiques.
À l’opposé, du côté d’Aristote, on n’étudie pas le monde des idées, on n’étudie pas des théorèmes, on étudie le concret. On fait des maths, on fait de la géométrie et on le fait de manière pratique. Cette figure est donc sûrement Euclide.
Ptolémée et Zoroastre
Au-dessus d’Euclide, tenant un globe, nous voyons Ptolémée, en hommage à ses contributions en astronomie. Et, face à lui, possiblement Zoroastre.
Diogène et Héraclite
En marge, isolés dans leurs pensées, Diogène le Cynique (en bleu) apparaît désinvolte et détaché, étendu sur les marches, tandis que Héraclite (en violet, en appui sur un bloc de marbre), connu pour sa nature misanthrope, est plongé dans une mélancolie profonde.
L’École d’Athènes : Portraits de contemporains.
Quand on examine L’École d’Athènes de Raphaël plus attentivement, on découvre non seulement des figures de l’Antiquité mais aussi des portraits contemporains de l’artiste.
Léonard de Vinci
Parmi ces figures, nous reconnaissons Léonard de Vinci, incarné ici comme Platon. Il lui a tout piqué, mais ils s’aimaient bien.
Bramante
On reconnaît aussi Bramante, l’architecte qui a recommandé Raphaël au pape. Il supervisait au même moment la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre.
A ce sujet, il est probable que Raphaël ait eu accès aux plans de cette dernière. La ressemblance est indéniable.
Michel-Ange
Michel-Ange est aussi présent, identifiable à son air quelque peu asocial—un homme souvent seul, il était réputé difficile et solitaire.
Initialement, il n’était pas prévu dans la composition. Il est probable que son inclusion soit un hommage de Raphaël. Bien que Michel-Ange considérât Raphaël comme un rival, ce dernier voyait en Michel-Ange le meilleur artiste de leur époque. L’influence de Michel-Ange sur Raphaël est importante.
Par exemple, ici dans les postures des figures au plafond de la Chambre de la Signature, des postures inspirées des figures michelangelesques de la Chapelle Sixtine.
Si vous êtes curieux d’en savoir plus sur la Chapelle Sixtine (et la Création d’Adam de Michel-Ange), en attendant un prochain article, vous pouvez regarder ma vidéo sur le sujet.
Raphaël
Et enfin, dans un petit coin discret de la fresque, on a Raphaël lui-même, qui se cache et qui nous regarde, comme un clin d’œil. Il nous salue avec discrétion.
L’École d’Athènes : Signification.
Que signifie donc cette composition complexe ?
Une renaissance
Raphaël nous transmet un message clair : oui, cette œuvre rend hommage à l’Antiquité, une époque idéalisée et rêvée par les intellectuels de l’époque dont il faisait partie, mais c’est aussi l’affirmation que cette époque est en train de renaître.
Les génies de son époque, tels que Léonard de Vinci, Bramante, Michel-Ange et lui-même, sont les réincarnations des génies du passé.
L’architecture
L’architecture romaine, et non grecque, choisie pour cette scène souligne ce renouveau.
Les Grecs n’avaient pas de voûtes en berceau. Alors qu’à Rome, on avait les vestiges de ces monuments du passé.
Cette Renaissance a lieu, et elle a lieu ici. Voilà la signification de l’École d’Athènes.
Le message de Raphaël
En intégrant ces artistes contemporains, Raphaël dit quelque chose d’encore plus précis.
Durant la Renaissance, la perception des artistes évolue : ils ne sont plus vus seulement comme des artisans (ce qui était le cas pendant tout le Moyen-Âge et encore répandu à la Renaissance), mais comme des intellectuels.
Cette nouvelle génération d’artistes, à laquelle appartenaient Léonard et Raphaël, revendiquaient ce nouveau statut. Ils voulaient montrer que la création artistique est aussi un acte intellectuel. Cela peut paraître un fait établi aujourd’hui, mais ça ne l’était pas du tout à leur époque.
Cette fusion des artistes de son temps avec les philosophes antiques, Raphaël insiste sur l’idée que les artistes de la Renaissance sont les égaux intellectuels des grands penseurs du passé. Raphaël, par L’École d’Athènes, ne rend pas seulement hommage à l’Antiquité mais aussi à la Renaissance elle-même, en tant que période de réincarnation et de renouveau du génie humain.
L’École d’Athènes, un outil de propagande ? Le message du Pape.
L’École d’Athènes et les autres fresques de la Chambre de la Signature, portent un message stratégique et symbolique. Il reflète l’habileté du Pape Jules II dans sa manière d’utiliser les arts à des fins de propagande.
Comme nous l’avons vu, cette salle était initialement sa bibliothèque personnelle et était composée non pas d’une mais de 4 fresques.
Les quatre fresques représentent, comme les allégories au plafond, la Poésie, la Philosophie (ce qui comprend, pour l’époque, aussi les Sciences), le Droit, et la Théologie. Elles incarnent les disciplines fondamentales.
L’École d’Athènes représente donc les sciences et de la philosophie. Elle est placée stratégiquement en face de La Dispute du Saint-Sacrement, représentant la théologie.
Le message est puissant. Dans cette période de redécouverte et de questionnement intellectuel, le choix de Jules II de situer L’École d’Athènes : d’une part, au sein même du Vatican (c’est tout de même une peinture païenne), et d’autre part face à la théologie n’est pas anodin.
Bien que le Pape appréciait lui-même leur redécouverte des textes anciens (ce n’est pas pour rien qu’il choisit de s’appeler Jules : en choisissant ce nom, il s’inscrit automatiquement dans la lignée de Jules César), il savait aussi que de telles idées présentaient un risque pour l’Église. L’Église avait peur qu’elles ne viennent remettre en cause leur pouvoir.
Il doit donc montrer que les idées anciennes doivent absolument être en adéquation avec la pensée chrétienne.
Or, en plaçant L’École d’Athènes face à La Dispute du Saint-Sacrement, c’est exactement ce qu’il fait. Les idées ne s’opposent pas. Au contraire, elles se complètent. Il réaffirme ainsi l’intégration des nouvelles connaissances à la doctrine chrétienne. Mieux, il démontre sa confiance dans les idées de l’Église.
« Vous pensez qu’elles ne tiennent pas la route face aux idées des anciens ? Je vous en prie, ouvrez les livres et regardez par vous-même. » Voilà ce qu’il nous dit.
En une phrase, avec L’École d’Athènes, il vient légitimer le pouvoir papal dans un moment où il aurait pu être menacé.
L’École d’Athènes : Ressources
Quelques petites ressources intéressantes. D’abord, deux livres que j’ai particulièrement appréciés :
- Raphaël, Pierluigi de Vecchi
Collection Les Phares chez Citadelles & Mazenod. Cet ouvrage fait une synthèse exhaustive de tout ce qu’on sait sur Raphaël, enrichie d’une bibliographie très détaillée. La synthèse est extrêmement riche. C’est généreux, c’est abondant. En contrepartie, la lecture est parfois complexe, même quand on est initié. Il faut avoir l’esprit reposé et être prêt à en découdre. En revanche, ça me semble être le meilleur ouvrage pour commencer une recherche ou pour s’informer sur un point en particulier.
Malheureusement, le livre n’est plus édité. Vous pourrez le trouver régulièrement en médiathèque. Ce que je vous recommande. Il est aussi vendu d’occasion sur différents sites. Vous pouvez regarder du côté de la Chasse aux livres pour consulter les meilleures offres. C’est un beau (et gros) livre, il est donc vendu assez cher. - Raphaël, Une Vie Heureuse, Antonio Forcellino
Une biographie complète et facile à lire. J’aime aussi son ouvrage sur Michel-Ange. Je recommande l’auteur. C’est une bonne introduction. Il n’analyse pas toutes les œuvres, mais accorde une place importante pour les peintures les plus populaires.
Disponible sur Amazon
J’ai également commandé Raphaël de Konrad Oberhuber. Je mettrai à jour cet article quand je l’aurai lu.
Enfin, une visite virtuelle est possible sur le site du Vatican. C’est moins bien qu’en vrai, évidemment. On ne se rend pas bien compte des dimensions. En réalité, les fresques sont vraiment beaucoup plus imposantes. L’École d’Athènes, par exemple, c’est 4,40 × 7,70 m. Cependant, c’est sympa et ça permet une meilleure compréhension de l’espace. Le site propose également une visite virtuelle pour la Chapelle Sixtine.
Merci d’avoir lu cet article. Vos retours en commentaires sont appréciés. N’hésitez pas à consulter mes autres articles sur l’art. Pourquoi pas, par exemple, celui sur la Naissance de Vénus de Botticelli ? À bientôt ! ✌️
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